Si l’univers des luthiers français ne vous est pas familier, il en est un que vous connaissez sans le savoir : Alain Quéguiner. En effet, si ce nom ne sonne pas encore pour vous, le son de ses guitares a, sans aucun doute, caressé un jour vos oreilles puisque des chanteurs et musiciens tels que

Maxime Le Forestier, Renaud, Francis Cabrel, Lenny Kravitz et Pierre Bensusan jouent sur ses instruments.

Propos recueillis par Jacques & Laurence Carbonneaux - Juin 1998

D’où vient votre passion pour la lutherie ?

En fait, ma passion est venue de la guitare. Bien avant l’idée de lutherie. Ce n’est pas de concevoir l’instrument qui m’intéressait, c’était d’en jouer. 

Guitare cordes nylon ?

Non, guitare cordes métal. Cela correspondait à ce que j’écoutais à l’époque : Dylan, Doc Watson et Norman Blake, par exemple. Nous jouions quelques morceaux de " flat picking " avec mon ami Dominique Bouges (maintenant luthier lui aussi) et un jour, en cherchant des partitions dans un bac, nous sommes tombés sur le fameux livre d’Irving Sloane : "Classic guitar making". Ca a démarré comme ca. On s’est dit : " Et si on essayait de faire une guitare ? ". J’avais une pièce de 20 mètres carrés où nous nous sommes installés après avoir bricolé deux établis et on a rendu visite à quelques luthiers. Je suis allé chez Daniel Lesueur qui fabriquait des guitares classiques dans mon quartier et je lui ai demandé où nous pouvions acheter du bois, tout simplement. 

Vous aviez quel âge ?

25 ans 

Il vous a bien homeli ?

Il était un peu étonné. Du reste, il est aujourd’hui un très bon ami. Je restais très peu de temps dans son atelier, ne voulant pas le déranger. Il m’a donné quelques adresses de fournisseurs. Nous avons donc (Dominique et moi)  traduit le livre, dessiné des plans et fabriqué des moules. Nous avons commencé par faire des guitares classiques, chacun travaillant sur son instrument indépendamment mais avec une forte émulation entre nous ! Nous avons ainsi fait une bonne dizaine de guitares chacun en deux ou trois ans. 

Vous les revendiez ?

Non, seulement les dernières et à des prix dérisoires. J'en ai même brûlé certaines…

Brûlé ?!

Oui, on était assez exigeants et lucides pour réaliser que ces premiers instruments ne valaient pas grand chose. Ma première guitare a toutefois échappé à la cheminée grâce à un ami qui en a fait cadeau à une élève… Presque vingt ans après, c’est encore un sujet de plaisanterie entre nous !

Vous aviez déjà envie de faire des guitares cordes acier ?

Ah oui, c’est vraiment ce qui m’intéressait, j’ai fait de la classique un peu par la force des choses : aucun livre n’existait sur la folk à l’époque. En 1981, je suis parti chez Bozo Podunavac, luthier très renommé, en particulier pour ses douze cordes. Travailler d’après des bouquins ne me semblait pas suffisant.

A quel moment avez-vous décidé de faire de la lutherie votre métier ?

En rentrant de San-Diego, j’ai commencé à croire que c’était possible. Tout en suivant scrupuleusement les méthodes de fabrication de Bozo, j’ai dessiné mes propres Samples que j’ai exposés à Ris-Orangis dans le cadre du festival. Là, j’ai fait la connaissance de luthiers encore amateurs comme moi dont certains sont devenus des amis : Buro et Cheval, par exemple. C’est lors de mon premier salon de la musique que j’ai franchi le pas : on m’a proposé le service après vente d’une grosse boutique rue de Rome et je suis allé, du jour au lendemain, m’inscrire comme artisan.

Entre vos premières guitares et celles que vous faites aujourd’hui, existe-t-il une grande différence, en dehors bien sûr de la maturité professionnelle ? Ont-elles quelque chose en commun ?

Esthétiquement, elles conservent un air de famille ; seuls la tête et le chevalet ont été affinés. Au point de vue structure par contre, beaucoup de choses ont changé : l’angle du X, les voûtes, l’épaisseur de la table …

Combien de guitares avez-vous fabriqué à ce jour ?

Environ 200.

Combien de temps passez-vous par guitare ?

La fourchette se situe entre quinze jours et un mois selon les décorations. En travail effectif naturellement ; il faut y ajouter deux semaines de séchage pour le vernis. Pour un Sample très décoré avec arbre de vie sur la touche et nacre tout autour de la caisse, on peut en effet compter un mois.

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